Archive for the 'Quelques films' Category

Série Noire

Woaow ! Ou plutôt, comme dirait certain collègue : putain ! Je grimaçais devant la traduction d’un roman de Jim Thompson (qu’on juge déjà du titre, car il faut deviner que Centre mètres de silence, mais qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire, vaut Nothing More Than Murder, un rien plus direct et désespéré, un rien plus… thompsonien si je puis dire). Pourtant, je ne regrettais pas de l’avoir achetée car j’y découvrais que j’adorais Thompson avant de le lire, en quelque sorte, puisqu’il a inspiré Série Noire à Corneau, le film avec Patrick Dewaere, et aussi Marie Trintignan, et loin de moi l’idée d’oublier le tout simplement fantastique Bernard Blier (qui sait jouer le type qui se prend un coup de genou dans les couilles, et déjà ça, si je puis dire, il faut savoir le faire, mais en plus, comment dire, reste grand en se tenant l’entrejambe). Contrairement à Tavernier, qui a complètement foiré l’adaptation de 1275 âmes, notamment (mais pas seulement mais on s’en fout) parce qu’on pleure devant Noiret qui récite la pauvre traduction de la Série Noire, Corneau rend merveilleusement, pour le plus grand effroi du spectateur, l’esprit et l’univers de Thompson. Et la gueule de Dewaere, idéale pour jouer un personnage du ricain : celui du pur paumé persuadé de maîtriser aussi peu que se soit le cours de son existente, et qui ne se départit jamais de sa gueule de désespéré, même lorsqu’il semble (ou se croit) heureux ! Son boulot (au personnage, pas à Dewaere) est bien sûr merdique : il est chargé de recouvrer les dettes pour le compte d’un patron cynique (le délicieux Blier). Il accompli son boulot parce qu’il le faut bien, et sans doute, aussi, qu’il aime un peu ça, distribuer les mandales, même s’il est loin de s’en glorifier (en même tant quand on voit la gueule de sa bonne femme…). Je ne vais bien sûr pas te raconter le film, et surtout ne pas te décrire les multiples rebondissements de l’action. Je ne suis d’ailleurs pas sûr qu’on puisse vraiment parler de rebondissements quand il s’agit, pour le personnage, de s’enfoncer toujours un peu plus, mais avec une ténacité certaine, dans les emmerdes, poussé par son désir de vivre une autre vie, et aussi par l’attirance qu’il éprouve pour la passivité provoquante de Marie Trintignant. On croit que cette fois, ça y est, il va s’étouffer avec tout ce qu’il est obligé d’avaler. Mais non.

A partir de Haze, de Tsukamoto

A quoi ressemblerait ton enfer ? Qu’est-ce qui l’habite ? Ton père, ta mère, ton voisin, ton prof, un type que tu n’as vu qu’une fois mais dont l’image reste poisseuse, ta femme, ton ex, ton patron, une armée de patrons qui cherchent à te faire bouffer tes oreilles et à t’arracher les yeux, ou les classiques mais virulents démons de tes cauchemars ? Dans celui-ci il est seul, du moins c’est ce qu’il semble, même s’il semble craindre la présence de quelque chose planqué dans l’ombre, une vague lueur jaunâtre atteint difficilement son visage, la sueur qui le recouvre, plutôt. A vrai dire, il est paniqué. Où est-il et pourquoi ? Dans des égouts, au milieu de tuyauteries sans fin ? Ces jambes qui traînent appartiennent-elles au visage qu’on a aperçu, ou l’inverse, ou n’ont-elles rien à voir et sont-elles douées du pouvoir de se mouvoir par soi-même ? Les membres d’arrachent ou se dédoublent, semblent vivre leur propre vie, à nos dépends. Cette impression sûrement n’est pas des plus agréables. Le démon qu’on vient d’apercevoir, ou qu’on a cru apercevoir, est-ce vraiment la bête qu’on croit, ou seulement le personnage qui essaie de fuir ? Qui est le monstre qui le torture, qu’on n’aperçoit pas, s’il y en a un ? Il doit bien en avoir un puisqu’il pisse le sang et qu’il aperçoit dans mouvements, et qu’il a bien fallu que quelqu’un l’amène ici. Dans ton enfer, serais-tu contraint de plonger dans une mare de sang où trempent les membres de tes congénères, qui ont peut-être eu la même idée que toi : plonger dans ton angoisse pour ressortir de l’autre côté, ou bien ton enfer serait-il moins spectaculaire, moins horrifique ? Est-ce que quelque chose, que tu ne peux voir, te frapperait sans cesse l’arrière du crâne sans que tu puisses bouger, mais seulement gémir ? Est-ce que tu glisserais le long d’un tuyau auquel tu pendrais par tes dents ? Et s’il y avait quelqu’un dans ce trou, est-ce qu’il chercherait à te bouffer le crâne ou est-ce qu’il serait possible d’unir ses efforts pour s’échapper ? S’échapper de l’enfer, drôle d’idée ? Est-ce qu’il pourrait servir de décor à une belle histoire d’amitié genre « l’amitié ne s’éprouve vraiment que dans les moments les plus horribles de l’existence » ? Une comédie alors. Lui ne sait pas où il est et ne se souvient de rien, mais il rencontre une femme, une femme qu’il connaît même s’il ne s’en souvient, qui l’incite à la suivre car elle pense connaître le chemin qui conduit à la lumière ou juste ailleurs, ou quelque chose comme ça, même s’il est probable que sur ce chemin ne se trouve que la chose, celle dont le comportement explique la présence de ces bras arrachés de leur tronc, et ces membres déchiquetés. Son seul souvenir, sa seule vision : des jeunes gens se font massacré. Et quel rôle jouait-il dans cette scène ? Est-ce qu’il faut mériter son enfer ? Quel serait mon rôle dans mon propre enfer, celui de la victime, ou serais-je contraint de me comporter comme une merde pour l’éternité, de faire souffrir, et de ne pas pouvoir le supporter, ou bien est-ce que les tortionnaires, dans cet enfer, sont-ils finalement dans un état de liberté totale et attendent simplement qu’on leur fournisse de nouveaux corps pour leurs expériences. Est-ce qu’en enfer on peut assouvir tous ses délires de puissance jusqu’à s’étouffer sans dans son pitoyable rire-sanglot de porc repus ? Un enfer libéral, en somme. Un bel enfer à son image. Peut-être qu’on a le choix entre différentes destinations, qu’on peut faire un peu de tourisme, jouer un rôle, puis l’autre, porter le déguisement du démon du cercle de l’enfer qu’on préfère (rime pour un slogan, pour encourager l’économie du tourisme dans l’au-delà, la concurrence est rude), à condition de ne pas y prendre de plaisir, évidemment, même pervers ou simplement ambigu.

(Hier j’ai regardé Haze, de Tsukamoto)

Echange Pialat – Depardieu

Il lit sans doute trop. Il joue trop aussi, il se laisse emporter par le plaisir de faire résonner la bonne tirade dans les micros attentifs. On lui demande de parler d’un de ses maîtres, d’un homme qui a fait qu’il est ce qu’il est, mieux qu’un père, mais, devant la caméra, il ne peut s’empêcher de jouer la comédie, d’une autre façon qu’au quotidien quand il bosse, où le texte lui est fourni, où son jeu est dirigé, non, cette fois il essaie de dire son propre texte, il essaie de se prendre pour un semblable de l’auteur qu’il admirait, pourtant on ne peut s’empêcher de se dire que tout ce qu’on voit c’est qu’il joue encore. Il essaie de dire quelque chose de sensé mais il n’arrive qu’à associer des idées éparses, sans apporter de fond à ses phrases, sans parvenir à produire autre chose qu’un ensemble désarticulé. Cette impression qu’il reste à la surface. Il dit lui-même, tout en lisant Saint Augustin, que dans son métier le risque de tomber dans la connerie est permanent, et même si d’aucun ricanera en repensant à tous les navets dans lesquels il a joué, en le voyant enfiler les phrases dans le vide, sans consistance apparente, on ressent une telle tristesse pour cet homme qui a rencontré le succès, qui a joué pour certains des plus grands cinéastes, mais qui finalement regrette de n’avoir donné que son apparence à ce qu’il y a de plus solide et d’éternel. Je l’imagine en train de lire sans cesse ce genre de texte de philosophie ou de théologie, d’une beauté et d’une densité incroyable, et, en tant que lecteur, je le voie se sentir un moment l’incarnation de cette pensée, comme s’il jouait à être l’auteur de ce qu’il lit, et je vois sa tristesse, quand il arrête et que l’impression s’évanouit, qu’il se rend compte qu’il n’a pas compris ce qu’il croyait saisir instantanément, au moment où sa diction soulignait chaque accentuation et chaque nuance de sens, qu’il projetait chaque intonation. Est-ce qu’il éprouve la sensation de disparaître en même temps qu’il arrête de lire, est-ce qu’il a l’impression d’être resté au niveau de la syntaxe du texte, sans atteindre sa chair, lorsqu’il n’a plus en tête que ses propres pensées, une succession de phrases creuses, pleines des grands mots qui restent de ses lectures. Ça pourrait donner envie de chialer un truc comme ça, mais pas forcément de tristesse, mais au contraire de sympathie et de compréhension.

Une interview de Depardieu en bonus de Sous le soleil de Satan de Pialat

Le Traquenard, de Hiroshi Teshigahara

Le début. Un type traîne avec son fils et un de ses potes. Ils vivent de boulots plus ou moins minables, qui sont comme des aumônes, dans de petites mines. Bref ce personnage, c’est personne, un ouvrier qui essaie de survivre, sont le seul rêve exprimé est de travailler dans une mine où les syndicats seraient représentés. Il sait qu’on ne le considère pas beaucoup, qu’on ne le respecte pas vraiment, qu’on l’exploite tant qu’on peut, mais il ne sait pas encore à quel point sa vie n’est rien. Il se fait assassiner, dans les environs d’un village déserté où était censé l’attendre un énième boulot.
Alors le film se métamorphose, comme le vivant se change en fantôme, et s’approche de la musique de Tôru Takemitsu : une sorte de plainte ébahie, sans rythme régulier, jouée sur des instruments solitaires et désaccordés, quand ce ne sont pas des percussions métalliques aux sons non moins précaires que l’existence des personnages, qui se prennent les coups de musiciens qu’ils ne peuvent identifier. L’assassinat n’est finalement pas tout à fait insignifiant. Le type qui est mort n’était personne, sinon le sosie d’un responsable syndical. Il a été tué volontairement, mais pas pour ce qu’il était, ce dont tout le monde se fout, malgré ses cris et toute son indignation, que personne de vivant ne peut plus entendre. Alors qu’il vient de vivre la pire catastrophe, se faire assassiner dans un marécage, loin des hommes, à coups de couteaux, sous les yeux de son fils, il n’est que le figurant d’une intrigue mystérieuse, dont il n’est au final plus que le spectateur déconcerté. Mais qui tire les ficelles? Le patronat? Une sorte de force surnaturelle, le destin, qui pousse les uns et les autres à s’entretuer quand le temps est venu? Qui est le tueur en costume blanc? Tout, les longues courses de la caméra, la musique envoutante et bizarre, les morts qui s’étonnent des vivants qui ne comprennent pas qu’ils agissent pour quelqu’un, ou quelque chose d’autre que leurs propres désirs, alimente, chez le spectateur l’attente, et chez les personnages le sentiment mystérieux d’être dépossédé de sa vie. Les vivants et les morts se demandent autant que nous ce qui leur arrive vraiment, au fond, au-delà de leur impression de vivre ou de voir ce qui se passe. Ils s’étonnent de ne pas avoir leur mot à dire.

Bullet Ballet, de Tsukamoto

Tsukamoto donne et prend des coups. Dans Bullet Ballet comme dans Tokyo Fist il joue le rôle d’un type moyen bouffé par la violence, celle des autres ou/et la sienne, dans un décor bétonné peu propice à la naissance d’une quelconque humanité, ou même simplement à l’émergence de la vie.
Quelle sorte de cinéma un tel environnement peut-il produire? Un cinéma brisé, fracassé, la façon de filmer les personnages ne cesse d’évoluer, comme les lieux des villes (ce trait dissonant semble caractériser tout particulièrement Tokyo), artificiels, sont créés de toute pièce : Tsukamoto ne cherche pas d’harmonie derrière les contrastes sonores, visuels, les ruptures incessantes entre les routes, le bureau, la rue, l’appartement bourgeois, les stroboscopes d’une boîte de nuit ou le métro, contrastes soulignés par le noir et blanc et par l’instabilité du point de vue de la caméra, qui répond aux émotions des personnages.

Le film peut, je ne l’ai vu qu’une fois, je vais sans doute être « obligé » d’en reparler, il peut être saisi comme le fruit contradictoire des volontés de fuir et de se battre (excuse-moi, j’essaie de condenser du coup c’est pas terrible). D’abord un suicide. Celui d’un personnage qu’on ne connaîtra pas, l’amie du personnage principal avec qui il avait une conversation insouciante une seconde plus tôt. Il va chercher à se procurer la même arme (un 38 spécial) que celui qui a servi à son amie à mourir. En même temps il va chercher à sauver une jeune (et jolie) prostituée, qu’il avait, croit-il sauvé d’une tentative de suicide, en fait une arnaque organisée par un mac, qui le tabasse sous les yeux indifférents de la fille. Le type va chercher à se venger, mais on ne sait plus de quoi au juste, de l’humiliation qu’il a subi dans une rue de Tokyo, ou de la mort de son amie, ou de sa vie de merde. Il se rebiffe, mais il n’a pas fini de prendre des coups. Il essaie de « sauver » la jeune femme qui lui crache à la gueule, et il se retrouve pris, à cause de son flingue, dans une guerre de gangs. La multiplicité des couches à exploiter permet sans doute à Tsukamoto de se lâcher, les changements de rythme sont brutaux, et on cherche parfois un peu d’air, on est sidéré par les monstres humains, les personnages, et par l’étrangeté esthétique du film, entraîné par les personnages, en empathie avec eux, alors que le décor de la ville est toujours vide et inerte (on peut filmer une ville vivante, lui choisit de filmer la pierre, le béton, les immeubles immenses, la disproportion inhumaine des constructions) ; la vie est cantonnée dans les ruelles ou les plis, et y est soumise à la peur et à la violence. Comment s’échapper?

Tokyo Fist, de Shinya Tsukamoto

Dès la première seconde on sait où se trouve, où on est pris, et qu’il va falloir s’accrocher : une musique minimaliste répétitive hyperrapide, comme les coups de poing des boxeurs qui s’entrainent, de plus en plus vide, de plus en plus précis, comme les immeubles de Tokyo, immenses, aux étages parfaitement symétriques, infiniment identiques.

Un salarié, un VRP même, qui ne demande rien à personne, qui n’est personne, joué par le réalisateur, accepte, bonne poire, de rendre service à un de ses collègues trop occupé à se la couler douce pendant que l’autre fond sous le boulot. Il rencontre. Rencontre fatale. Il rencontre un ancien ami de lycée. On ne sait pas ce qu’ils se disent, on apprendra. Seulement quand il rentre il demande à sa « chère et tendre » de dire à Kojima qu’il n’est pas là, s’il le demande. Et en effet il viendra lui rendre visite, rendre visite à sa femme, et le pauvre type perdu ne sait plus ne sait pas quoi en penser. Est-ce qu’elle a embrassé ce boxeur? Est-ce qu’elle a couché avec lui, ou plutôt, question plus importante : que représente-t-il pour elle?

Qui donnera les coups? Qui aime s’en prendre plein la gueule? Qui refuse de crever sous les coups de poings, qui font exploser les faces le sang jailli, plus abondant que si personne ne cherchait à les détruire, s’ils ne cherchaient pas les coups, brutaux, répétitifs et incessants, comme le béton, comme la musique, comme la caméra frénétique, perdue et desespérée, qui cogne mais qu’est-ce qui cogne au juste là-dedans qui veut sortir, est-ce qu’il y a seulement quelque chose? Faut voir.

A propos de Triangle, de Tsui Hark, Ringo Lam et Johnnie To

La semaine écoulée a compté plus de films de Hong Kong que de jours, c’est peut-être en partie pourquoi je t’invite à jeter un œil sur ce film sorti en salle la semaine dernière, et sans doute diffusé pour peu de temps puisque nous étions trois dans la salle hier. Ce n’est sûrement pas la seule raison.

L’intérêt de ce film ne tient pas tant à son scénario (brutalement résumé : trois paumés entrent en possession d’une sorte de trésor qui leur attire toutes sortes d’ennuis, évidemment) que par les tiraillements qu’il subit à chaque phase du film. Il ne s’agit pas d’épisodes, et il n’y a pas de rupture, mais chacun des trois cinéastes cherche à faire entrer le scénario (suffisamment simple pour se prêter à l’exercice) dans son propre appareil esthétique. D’abord Tsui Hark nous lance dans l’action, lance la course poursuite que sera le film, il cherche à aller droit au but, comme ses personnages, par des séquences tendues et parfois violentes. Ensuite Ringo Lam, je n’ai jamais vu de film de Ringo Lam, mais on remarque surtout le changement au suspens qu’il crée: la caméra prend le temps de danser avec ses personnages, qui ne sont plus seulement lancés dans l’action, mais font face à des enjeux plus internes, voire sentimentaux, puisque le triangle n’est plus seulement celui formé par les trois compères, mais est aussi un triangle amoureux, dont les coins sont contraints de se rencontrer lorsqu’apparaît ce trésor. Enfin Johnnie To, la poursuite reprend, mais apparaît alors son humour particulier (dans certains de ses films, avoir un couteau planté dans le cœur n’empêche pas un personnage de courrir pendant plusieurs minutes) qui donne à l’action un tour très différent. D’ailleurs la succession des trois esthétiques crée un effet comique, puisque le fait qu’elle passe sans problème de mains en mains et soit ainsi manipulée sans vergogne par les trois caractères de Hong Kong nous fait penser à certains projets de métafiction ; une histoire est ce qu’elle est, on en fait donc ce qu’on veut, sans souci de cohérence. Il aurait pu y avoir trois films différents et sérieux, mais la réunion des trois metteurs en scène crée une distance plutôt ironique qui ne saurait déplaire à ceux qui (par impossible) auraient du mal avec les fusillades (cliché du genre habilement et comiquement amené par Johnnie To, tu verras).

Pour ceux qui (par impossible) seraient las des films enrobés de moraline de types qui ne jouent ni avec leurs personnages ni avec leurs caméras.

(on m’a dit que j’étais un peu descriptif en parlant du film de Tsui Hark, j’espère que c’est mieux là)

L'enfer des armes, de Tsui Hark

Je ne connais pas tout Tsui Hark (est-ce seulement possible?), mais L’enfer des armes est en tout cas une bizarrerie parmi les films de ce cinéaste que j’ai pu voir. Pas de féérie, pas d’humour, pas de chorégraphie, pas de sabre ni de yakuza, ou presque : de la violence, de la cruauté, un univers irrémédiablement malsain.

Les premières images du film, avant même son véritable commencement, nous mettent mal à l’aise. Le malaise ne nous quittera pas jusqu’à la fin, alors même que les images de pure violence ne sont (toutes proportions gardées) pas si nombreuses. Ce que l’on subit : une tension permanente, celle de la folie, des personnages, de leur environnement et du cinéma de genre. Dans les premières images on voit un groupe d’adolescents balancer une peinture rouge sur une grand-mère, équipée d’un parapluie. Elle les traite de vauriens et menace d’appeler la police. Une souris est martyrisée. On la voit se faire transpercer par une épingle puis être laissée dans une cage parmi d’autres bestioles, alors qu’elle ne contrôle plus ses mouvement. Le film n’a pas encore commencé et on sait déjà que l’environnement est morbide et qu’il n’y a rien à en attendre que différents degrés de destruction.

Trois jeunes hommes de bonnes familles s’amusent à fabriquer une bombe, et à la déposer dans un cinéma (où passe un film de guerre à laquelle l’explosion répondra). Une jeune fille, orpheline qui vit avec son frère flic, les a repéré, et menace d’appeler la police s’ils ne font pas ce qu’elle veut. Ce qu’elle veut, c’est poser d’autres bombes, c’est cambrioler, c’est détruire autant que possible.

Seulement on n’est pas encore arrivés. Ce n’est pas la folie d’un individu isolé qui nous conduit à la fin. Sans te raconter les détails, ils se retrouvent à devoir faire face à un groupe de trafiquants d’armes américains. Alors les vrais démons sont lâchés car les jeunes se retrouvent avec l’argent et un mystérieux contrat que les bandits (Chuck Norris, s’il était présent pour détendre l’atmosphère, nous apprendrait sans doute que ce sont des anciens des forces spéciales) veulent récupérer à tout prix. A noter, les véritables monstres sont les Américains, c’est-à-dire des types de deux mètres de chairs bodybuildées, alors que les Hong-Kongais apparaissent comme des gentillets amateurs, malgré leur perversité première. L’histoire prend alors un tour de film d’horreur, le monstre bien identifiable poursuivant ceux qui, finalement, ne sont pas si pourris, et en tout cas sont jeunes et manifestement faibles.

Vraiment bizarre, ce film. On parle à son propos d’Orange Mécanique, mais c’est bien plus malsain, même si le parallèle se justifie par certains côtés. Mais on a vraiment l’impression que Tsui Hark n’essaie pas, pour une fois, d’en mettre plein la vue par son style et le maniement de sa caméra, mais seulement de nous envoyer dans la gueule son histoire, qui parle du désespoir, du nihilisme, qui conduit à une volonté de destruction… espère pas de happy end après l’escalade (on ne redescend pas de si tôt, ou alors on se casse le crâne, à voir)

J'ai engagé un tueur

Est-ce que t’as vu le film J’ai engagé un tueur, de Aki Kaurismäki?
Evidemment faut pas que je te raconte tout, mais juste assez.
C’est l’histoire d’un mec joué par Jean-Pierre Léaud, un employé de bureau, qui s’emmerde, dans son boulot, avec ses collègues (à la cantine, il ne mange pas à côté d’eux, il préfère s’écarter un peu – peut-être (ce serait vraiment bizarre) que les discussions de ses collègues le font chier). Il ferme toujours sa gueule. Et puis il finit par se décider. Il essaie de se pendre, mais n’y parvient pas (gag). Il essaie le coup du four, mais évidemment ça ne marche pas (gag). Alors il décide, puisqu’il n’y arrive pas lui-même, d’engager un tueur pour se flinguer. (la scène où il arrive dans le rade avec tous les gangsters, lui le pauvre type (nous) parmi les tueurs, et qu’il essaie de leur faire comprendre ce qu’il veut). Seulement il tombe amoureux. Alors il doit fuir (il fuit le tueur ou il fuit sa vie passée, merdique?). Trop marrant, et en même temps déprimant comme la gueule de Léaud, détaché comme toujours, mais vieillissant. Pas désespéré (pas comme Ghost train, le film du frère, Mika Kaurismaki, un film superbe – on en parle devant un verre).

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